Etranger à son pays [Helen Dunmore - Trahir]

Publié le par la liseuse paresseuse

Trahir Helen DunmoreEnorme coup de coeur pour ce roman mené de main de maître...

Il peut conclure une trilogie soviétique qu'on pourrait commencer avec "le Metéorologue" (qui traite des grandes purges staliniennes des années 30), pour poursuivre avec "Derniers Témoins", qui aborde le quotidien des enfants pendant "la grande guerre patriotique" (la seconde guerre mondiale), avant d'embrayer sur ce petit bijou, qui a pour contexte le pouvoir crépusculaire de Staline et le célèbre "procès des blouses blanches".

Le livre s'ouvre sur un entretien entre 2 médecins : Andreï, jeune pédiatre réputé de Leningrad, et Russov. Le second n'aime pas beaucoup le premier, mais là il lui demande un avis sur un jeune patient. Un avis qui ressemble bizarrement à un service. Russov semble mal à l'aise il transpire... Andreï est intrigué, mais il comprendra vite : le jeune patient en question, Goria, est le fils (unique qui plus est) d'un ponte de la police politique de Staline (oui nous sommes en 1952...), connu évidemment pour son intransigeance et sa cruauté. Glups glups glups. Que faire? Passer la patate chaude à un collègue naïf? Affronter le dossier? il n'y a, dans cette Union Soviétique qui dévore ses enfants, aucune bonne solution.

Andreï va écouter son devoir, ausculter le garçon et aïe : l'enfant a un cancer des os déjà bien avancé, il faut l'amputer. Il va demander à une collègue respectée, très expérimentée, d'opérer, pour offrir toutes les chances à ce garçon. Mais nous sommes à la veille du procès des blouses blanches et Brodskaïa, la collègue appelée à la rescousse est juive... Tout est donc en place pour que l'impitoyable machine à broyer les citoyens soviétiques se mette en place. Voilà pour la trame, efficace, diabolique et extrêmement documentée.

C'est donc l'histoire d'Alexeï que nous raconte Helen Dunmore, et celle d'Anna, son épouse. Entre flash-back de la vie pendant le siège lors de la seconde guerre mondiale (un siège glacé et suffocant qui a duré plus de 900 jours!), et vie quotidienne sous l'étoile déclinante de Staline, le roman est très rythmé, prenant. Helen Dunmore nous prend comme une araignée dans sa toile et nous laisse nous débattre dans son piège diabolique : une fois le roman commencé, impossible de le lâcher. La scène de l'arrestation est un modèle du genre, on est totalement intégré à la scène, spectateur impuissant et résigné comme les protagonistes. L'écriture est fluide, l'ambiance parfaitement rendue, vraiment c'est un roman génial, qui nous entraîne dans la folie du stalinisme, dans l'absurdité de la vie en union soviétique, dans le règne de l'arbitraire.

La fin du roman, davantage axée sur la vie à la campagne, est une ode au rythme des saisons et à la beauté de la nature russe.

n roman puissant, très habilement mené, fluide et ciselé : une merveille à ne pas rater!

Comme toujours quand je lis un roman aussi habile, je n'arrive pas à le quitter... Je laisse traîner la lecture pour finir plus tard, encore un petit peu plus tard, s'il vous plait, laissez-moi en profiter encore un peu... 

Une extraordinaire découverte, un roman magistral, au contexte fascinant et angoissant. 

La chanson qui va bien avec : sans grande conviction, mais bon....

"Stranger in Moscow" de Michaël Jackson

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