Soixante-dix

Publié le par la liseuse paresseuse

Soixante-dix

Il est des dates qui ne sont pas faciles, mais dont on doit se souvenir. Le 27 janvier 1945 en fait partie : ce jour-là des soldats de l'Armée Rouge découvrent Auschwitz, et ses derniers survivants, ceux qui n'ont pas été poussés dans les sinistres "marches de la mort", parmi eux Primo Levi. Ce jeune chimiste italien racontera sa terrible expérience du camp dans le célèbre "Si c'est un homme", un roman-témoignage devenu une référence.

Je l'ai lu plusieurs fois. Il me fait toujours le même effet, cette sidération, cette incompréhension profondes... Comment? Comment ça a été possible? Comment pas une seule personne dans la longue chaîne de décisions et d’exécutions ne se soit dit "non c'est inimaginable, on ne peut pas"? Ces questions interrogent l'Humanité toute entière... Et 70 ans plus tard, interrogations et vigilance sont toujours de mise...

Ce livre, c'est un livre fondateur, indispensable, celui de la parole des déportés, des déportés juifs, des esclaves condamnés à travailler dans des conditions inimaginables dans l'usine de la Buna. Il FAUT lire ce livre, c'est un témoignage complet, implacable sur les camps.

En ce jour commémoratif, on peut rappeler quelques romans ou biographies autour de la déportation.

Soixante-dix

"Le journal d'Anne Frank" : pas besoin de détailler... La finesse, l'intelligence et le courage d'une toute jeune fille qui se cache, car juive dans les Pays Bas occupés.

Indispensable, autant que le témoignage précédent. Anne Frank est morte du typhus peu avant la libération de Bergen-Belsen. C'est son père qui a trouvé les fragments de son journal à son retour de déportation. La famille avait été dénoncée, et sa cachette découverte.

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"La Nuit" d'Elie Wiesel : extrêmement difficile, Elie Wiesel était si jeune... Un coup de poing, en plein ventre, pendant toute la lecture. Une somme de souffrances et un courage inouï.

Soixante-dix

"L'écriture ou la Vie" de Jorge Semprun. Un témoignage assez large, sur sa vie dans les camps, mais aussi sur l'après, sur l'impact de cette épouvantable épreuve sur sa vie ensuite... La résilience, la culpabilité du survivant, toutes ces choses si lourdes à porter, et qui font partie de cette vie là. Remarquable.

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"Le Pianiste" de Wladyslaw Szpilman : rendu célèbre, si on peut dire, par le formidable film de Polanski, et admirablement rendu par le talent d'Adrian Brody.

C'est l'histoire même de la Shoah, à travers le destin de W.Szpilman, issu d'une famille juive polonaise de mélomanes. On est en 1939... La famille va être frappée de plein fouet par la violence nazie : le ghetto, la faim, voire la famine, les humiliations, et puis la déportation de la famille... Par miracle Wladyslaw échappera au convoi de la mort mais il devra bien évidemment se cacher dans une ville hostile, bientôt en proie aux terribles combats pour la libération de Varsovie, ville martyre s'il en est.

C'est poignant, prenant, le témoignage est d'une force rare. Un destin hors du commun, et un éclairage précis, presque clinique sur la vie des juifs en Pologne pendant la guerre. Enfin, la "vie"... La survie, au mieux...

Soixante-dix

J'avais parlé de "Maus" d'Art Spiegelman ici :

http://http://bateaulivre.over-blog.com/article-des-souris-et-un-homme-79974906.html

C'est génial, juste génial : les nazis sont des chats, les juifs des souris. D'une redoutable efficacité. Le trait est aussi noire que l'Histoire, avec sa grande hache. Il y a un avant et un après cette lecture.

Une autre BD m'avait beaucoup marquée, elle peut être considérée comme complémentaire, d'une certaine façon c'est "La fille de Mendel" de Martin Lemelman. L'auteur raconte l'histoire de sa mère juive (encore un témoignage par le biais d'un descendant) qui est parvenue à survivre en se cachant au fond des bois, dans des conditions incroyables. Prenant, et original dans le sens où ces destins là, de juifs ayant survécu en se terrant au fond des bois sont rarement l'objet de témoignages (même s'il y a eu récemment un film sur le sujet, je ne me souviens pas de son titre)

Soixante-dix

Grâce à Hhhh (souvenez-vous : http://bateaulivre.over-blog.com/article-combien-de-h-dites-vous-79212926.html ) j'avais repéré ce roman de Jiri Weil : "Mendelssohn est sur le toit". Là il s'agit d'un roman et non d'une (auto)biographie. L'histoire s'ouvre sur un épisode cocasse : un SS donne l'ordre d'enlever la statue de Mendelssohn, artiste juif, du toit de l'opéra de Prague. Les troufions sur place ne savent pas quelle est la bonne statue. Qu'a cela ne tienne! Ils enlèvent celle qui a le plus gros nez. Bien sûr... Eh non c'est celle de... Wagner!

Mais si ce livre commence sur l'humour, la dérision, l'ironie, il se termine de façon épouvantable, très éprouvante, ça m'a vraiment marquée et pourtant je l'ai lu il y a longtemps...Mais ça n'est rien d'autre que la réalité de la Shoah, particulièrement en Bohème-Moravie ("gouvernée" par le sinistre et sanguinaire Heydrich, avant son assassinat par des partisans tchèques).

J'ai eu la chance de le trouver dans une bibliothèque, il me semble qu'il n'est hélas plus réédité...

Soixante-dix

Enfin on s'éloigne du thème de la déportation, pour aller vers la captivité, celle des prisonniers de guerre, remarquablement retranscrite par Tardi (http://bateaulivre.over-blog.com/article-reconnaissance-tardive-jacques-tardi-moi-rene-tardi-prisonnier-de-guerre-au-stalag-iib-117887536.html) sur la base du témoignage de son père, détenu 5 ans dans un stalag de Poméranie.

Le second tome "Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB - Mon retour en France"(sur les 3 au total, si je ne me trompe pas) est sorti récemment, il est aussi captivant, et réussi que le premier. Ce tome-ci aborde la longue marche du retour en France. Le ton, le trait de Tardi, tout est toujours aussi brillant.

Tout ça est un peu décousu... A l'image des sentiments qui me traversent ce soir.

"Les souvenirs sont nos forces, ils dissipent les ténèbres. Lorsque la nuit essaie de revenir, il faut rallumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux" - Victor Hugo.

Soixante-dix

La chanson qui va bien avec : "Anne, ma soeur Anne " de Louis Chedid, mais bien sûr on pouvait aussi penser à "comme toi" de Goldman.

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